DOUANES USA : nouvelle alerte sur les droits de douanes américains

Les grandes lignes de l'accord entre les Etats-Unis et l’UE sur les tarifs douaniers, conclu entre Donald Trump et Ursula von der Leyen en Ecosse dimanche dernier (27 juillet 2025) sont les suivantes :
- A partir du 1er août 2025, imposition de droits de douane américains à 15% sur la majorité des produits originaires de l’UE importés aux États-Unis.
- L’UE n'applique pas de mesures réciproques : les produits américains ne sont pas globalement taxés au même niveau à l'entrée de l'UE (sous réserve de la TVA à l’importation en France de 5.5% qui reste d’application, la TVA et les tarifs douaniers étant deux formes de taxation distinctes).
- Certains produits stratégiques (équipements aéronautiques, acier, aluminium...) verront leurs droits abaissés ou réduits a zéro. Les détails précis restent à négocier dans les semaines à venir.
L'accord est présenté comme une solution pour éviter une guerre commerciale et assurer une certaine stabilité transatlantique. Cela dit, il reste vague et le texte de l’accord n’a pas encore été publié.
Quelles sont les conséquences de cet accord pour nos membres ?
Un bref rappel de l’évolution des tarifs douaniers américains depuis le mois d’avril dernier s’impose.
Comme vous le savez, depuis le 5 avril 2025, la plupart des biens sont assujettis à des droits de douane à l’importation aux Etats-Unis de 10%. De plus, les Etats-Unis ont menacés certains pays, dont l’UE, de tarifs à des taux aggravés supérieurs à 10%. Le taux aggravé était de 20% pour les biens dont le pays originaire est situé dans l’UE, sauf accord entre les Etats-Unis et l’UE avant le 9 juillet 2025. Cette date a ensuite été reportée au 1 août 2025.
Les biens dont le pays d’origine est hors UE étaient menacés de droits de douane aggravés allant jusqu’à 50%. La Chine était une exception puisque les biens originaires de ce pays étaient soumis à des droits de douanes cumulés s’élevant à 152.5%.
Depuis avril 2025, la Maison Blanche a fait feu de tout bois en annonçant chaque semaine de nouveaux tarifs, tant à la hausse qu’à la baisse, selon le pays.
Le marché de l’art était en partie épargné par ces menaces tarifaires. En effet, le Président Trump avait introduit les nouveaux droits de douane d’avril 2025 par voie de décret présidentiel en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la « Loi sur les pouvoirs économiques en cas d'urgence internationale (International Emergency Economic Powers Act, IEEPA) ». Cette loi interdit au Président de réglementer les « informations et matériels informatifs». Selon cette loi, les « œuvres d'art » sont considérées comme étant une forme de matériel informatif à laquelle cette exemption s'applique.
La question était de savoir ce que les Etats-Unis entendent par « œuvre d’art ». Dans un premier temps, l’interprétation avait été restrictive : seuls les biens figurant aux catégories 9701, 9702 et 9703 de la nomenclature douanière étaient considérées comme œuvres d’art. Ces catégories se résument comme suit :
9701 : Peintures, dessins et pastels, faits entièrement à la main, à l'exclusion des dessins au chapitre 49.06 et des articles manufacturés peints ou décorés à la main; collages, mosaïques et plaques décoratives similaires.
9702 : Gravures, estampes et lithographies originales.
9703 : Productions originales de l'art statuaire ou de la sculpture, en toutes matières.
Plus récemment, le service des douanes américain a considéré comme « œuvre d’art » non seulement les biens repris aux chapitres 9701, 9702 et 9703, mais aussi les biens repris aux chapitres 9704 et 9705 qui se résument comme suit :
9704 : Timbres-poste, timbres fiscaux, marques postales, enveloppes premier jour, entiers postaux et analogues, oblitérés ou non oblitérés, autres que les articles au chapitre 49.07.
9705 : Collections et pièces de collection présentant un intérêt pour l’archéologie, l’ethnographie, l’histoire, la zoologie, la botanique, la minéralogie, l'anatomie, la paléontologie ou la numismatique.
Le seul chapitre qui n’est pas considéré comme exempt de tarifs douaniers américains est le chapitre 9706 qui couvre les biens suivants : « Objets d'antiquité ayant plus de 100 ans d'âge. »
Cette catégorie couvre un grand nombre d’objets vendus par nos membres, y compris l’argenterie, les meubles, la porcelaine, les bijoux, les armes, les tapisseries, les tapis, les textiles, les instruments de musique, les cartels et les pendules ainsi que les biens culturels provenant d’anciennes civilisations qui ne sont pas répertoriés sous une autre rubrique du chapitre 97 comme les urnes, les vases et les médailles.
Comme vous le savez (voir « DOUANES : alerte sur les droits de douanes américains »), le SNA a immédiatement engagé une action pour analyser les conséquences possibles des tarifs sur notre profession, en lien étroit avec la CINOA.
Dès le 10 avril, nous avons organisé une réunion d’information en visioconférence à destination de nos membres. Le replay de cette réunion est disponible pour tous les membres du SNA.
Ensuite, un dossier a été transmis au Ministère de la Culture pour les alerter sur la problématique des arts décoratifs (pas seulement d’origine française mais originaires de tous les pays du monde, les biens originaires de la Chine posant un problème particulier pour nos membres qui se spécialisent dans ce domaine) et les sensibiliser aux conséquences concrètes pour notre secteur.
Plus récemment, nous avons pris attache avec le Conseiller Douanier auprès de l’Ambassade de France à Washington et avec le Conseiller culturel de France et directeur de la Villa Albertine, également à Washington, afin de leur expliquer les difficultés auxquelles seront confrontés les membres du SNA qui souhaitent exposer dans des foires aux Etats-Unis des objets répertoriés au chapitre 9706. Le Conseiller Douanier nous a confirmé que le carnet ATA n’est pas une option étant donné qu’aux Etats-Unis, il n’est pas permis de procéder à la vente d’un bien sous carnet ATA. Par ailleurs, il n’existe pas aux Etats-Unis de procédure d’importation temporaire qui permette l’importation en suspension de droits de douane. Cela signifie qu’en pratique, le marchand qui souhaite exposer dans une foire aux Etats-Unis un bien soumis aux droit de douanes doit débourser ceux-ci au moment de l’importation et, soit les facturer à l’acheteur si le bien est vendu aux Etats-Unis, soit se les faire rembourser après exportation du bien s’il reste invendu (le remboursement pouvant prendre plusieurs mois).
Nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur les conséquences pour nos membres de l’accord conclu le 27 juillet. Nous ne savons pas si les biens visés au chapitre 97, ou certains de ceux-ci, seront exclus de l’enveloppe tarifaire des 15%. En effet, cet accord n’a pas pour fondement légal la « Loi sur les pouvoirs économiques en cas d'urgence internationale (International Emergency Economic Powers Act, IEEPA) » interdisant au Président de réglementer le «matériel informatif», y les « œuvres d'art ». Par ailleurs, ce ne serait pas la première fois que les Etats-Unis appliquent un tarif douanier aux biens culturels. En 2019, la première administration Trump imposa un tarif de 15%, réduit à 7.5% en février 2020, sur les biens visés aux chapitre 97 originaires de la Chine. La base légale de ce tarif était différente et contrairement à l’IEEPA, n’empêchait pas les États-Unis d’imposer des droits de douane sur les biens culturels.
Nous avons sollicité le ministère de la Culture afin de faire pression pour que les biens vises au chapitre 97 soient exemptés des droits de douane américains.
Nous vous tiendrons bien entendu au courant dès que l’enveloppe tarifaire résultant de l’accord du 27 juillet est clarifiée.
30/07/2025
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